Photographier des inconnus

Photographier de parfaits inconnus peut susciter des sentiments très différents : appréhension chez certains, sérénité chez d’autres. Tout est affaire de personnalité en premier lieu, mais aussi d’entrainement et d’habitude. D’ailleurs, quel photographe de rue êtes-vous ?

L’idée de photographier des inconnus dans la rue vous fait-elle peur ? Êtes-vous stressé rien qu’en imaginant les réactions des passants ? Avez-vous l’impression de voler quelque chose à autrui ou de transgresser un terrible interdit ? Ou bien, avez-vous hâte d’arpenter les rues à la recherche de nouvelles rencontres ? Prenez-vous du plaisir à discuter librement avec des gens que vous ne connaissez pas ? Êtes-vous à l’aise en vous imaginant leur expliquer votre démarche ou à déclencher sans leur permission?

Il est bon de se poser ces questions car en fonction de votre tempérament, si vous êtes plutôt timide ou au contraire plein d’assurance, vous ne procèderez pas de la même manière.

Le timide sera tapis dans l’ombre à l’affût d’une scène intéressante mais prendra soin de ne pas être vu ! Il utilisera quelques subterfuges pour rester discret : une tenue sombre pour ne pas se faire remarquer, ne jamais regarder les passants dans les yeux, faire semblant d’être intéressé par autre chose ou de procéder à de simples réglages sur son boitier. Il préfère les instants pris sur le vif à l’insu de ses «proies» et gardera souvent ses distances avec son sujet : l’humain aura son importance dans le cliché mais sera souvent un petit élément dans le cadre.

L’audacieux fera probablement tout le contraire car il est indifférent au regard ou jugement des badauds. Il n’hésitera pas à s’approcher, quitte à être vu, c’est d’ailleurs souvent ce qu’il recherche : saisir le regard ou les émotions de ses sujets. Il se sent légitime dans sa démarche, sait qu’un passant peut venir lui demander ce qu’il fait et a déjà une réponse toute prête. Réponse qu’il formulera avec le sourire, il saura d’ailleurs instaurer un dialogue, parce qu’il est à l’aise à l’idée de communiquer avec des étrangers ! Le personnage sera souvent le sujet principal de son image et y occupera une place importante.

Que vous soyez de nature réservée ou expansive, il y a quelques règles de bons sens à retenir :

  • Restez respectueux et ne venez pas coller brutalement votre appareil sous le nez des passants comme si vous leur imposiez votre pratique.
  • Soyez poli et souriant si les passants vous abordent pour vous demander pourquoi vous les prenez en photo.
  • Expliquez gentiment votre travail et instaurez le dialogue en les regardant dans les yeux, toujours avec le sourire !
  • Si cette personne exprime sa réticence ou un refus, soit vous acceptez d’effacer les images et respectez son point de vue, soit vous argumentez poliment en expliquant votre travail, voire en donnant votre carte de visite pour la rassurer et l’inviter à aller voir vos images.

La question du droit à l’image se pose ici et c’est un vaste sujet. Prenez quelques précautions de base : on évite d’utiliser et diffuser des images de couples s’ils sont identifiables sur le cliché (des affaires d’atteinte à la vie privée, mettant en cause des photos de couples «illégitimes» ont déjà été portées en justice). Les enfants sont également un sujet sensible car la loi les protège plus drastiquement en matière de droit à l’image si vous n’avez pas obtenu l’autorisation préalable de leurs parents. On évite bien entendu d’immortaliser toute situation dégradante, pouvant porter préjudice à l’image d’autrui car c’est ce point qui est apprécié par les juges en cas de litige.

Petit exercice pour s’initier :

Commencez par vous positionner dans un endroit intéressant (pour sa lumière ? Son architecture et ses lignes ?), puis préparez votre cadrage et attendez que quelqu’un passe dans le champ pour déclencher. Ces images sont dans la catégorie des clichés «pris sur le vif» et bien souvent les passants ne se rendent pas compte qu’il ont été pris en photo. Cet exercice permet de se familiariser en douceur avec le fait de photographier des inconnus. Si vous le répétez régulièrement, vous sentirez après 3 ou 4 prises de vue que vous êtes nettement plus à l’aise et débarrassé d’une bonne partie de vos craintes.

Une autre astuce consiste à choisir un angle discret (vers le sol par exemple) ou à ne cadrer qu’une petite partie des passants, leurs jambes, leurs dos, leur silhouettes en contre-jour. L’aspect humain est dans ce cas plutôt suggéré et n’est pas capturé de manière frontale.

Osez aborder vos sujets :

Lorsque l’appréhension s’est nettement atténuée après plusieurs exercices, pourquoi ne pas tenter de jouer les audacieux ? Instaurez le dialogue avec vos sujets, expliquez-leur votre démarche : quel est votre thème, votre projet ? Qu’est-ce qui vous intéresse chez cette personne (son style, son charisme) ? Tout ça avec le sourire bien sûr (vous n’imaginez pas le pouvoir d’un sourire pour désarmer ou rassurer).

Formulez clairement votre demande : «je réalise des photos de passants sur le thème de la mode et j’aime beaucoup votre tenue, accepteriez-vous que je vous prenne en photo ?». Si le «oui» est franc, montrez votre enthousiasme, faites vos images, et remerciez votre modèle. Si au contraire il ne semble pas enjoué ou refuse, n’insistez pas (du moins pas lourdement), remerciez-le quand même, souhaitez-lui une bonne journée et…passez au suivant !

Il est important de se rappeler que dans le cadre d’images faites avec le consentement du modèle, celui-ci est presque comme un collaborateur, il participe à votre projet mais ce n’est pas votre objet. Restez donc courtois dans la façon dont vous lui parlez, dont vous le dirigez pendant le shooting et aussi en cas de refus de sa part. Proposez également de prendre ses coordonnées pour lui envoyer quelques images ultérieurement !