Interview de Delphine Broggio, formatrice chez Nicéphore

Quel est votre parcours  ?
Depuis toute petite, je considère que l’image berce le quotidien et forge l’imaginaire. Un cliché instantané a le pouvoir de ne pas décider d’un scénario, et de laisser notre imagination s’évader selon nos émotions. J’ai toujours aimé l’art, le dessin, la peinture, la photographie et j’ai rapidement été convaincue de vouloir m’orienter vers un métier artistique. J’ai d’abord passé des tests d’orientation pour rassurer mon cher père cartésien, qui ont démontré qu’une voie artistique était bien la seule chose pour laquelle j’étais faite ! J’ai, alors, commencé par une année au cours préparatoire aux arts appliqués de Vevey en 1993. C’est là que j’ai vraiment commencé la photographie, le développement, les tirages. Pour tout vous dire, je voulais initialement devenir graphiste et si je n’avais pas eu ce professeur de photographie qui m’a imposé de passer l’examen d’entrée pour l’école de photo… je serais peut être aujourd’hui formatrice en graphisme  ! J’ai donc poursuivi mes études à l’école de photographie de Vevey de 1994 à 1998. J’en suis sortie avec le 1er prix, les fameux tests d’orientation avaient donc vu juste et mon père, lui, était fier de moi. Depuis ce jour, j’ai toujours travaillé dans la photographie.

Comment définiriez-vous votre rôle auprès de vos élèves ?
Avant tout, j’aime partager avec eux ma passion pour la photographie, et je suis aussi là pour les motiver et les encourager. Ensuite, j’essaie de leur faire observer le quotidien sous un nouvel angle. Quand un élève me dit : » Avant, je ne voyais pas ces détails  ! », je sais que j’ai réussi quelque chose.

Que vous apporte votre rôle de formatrice ?
J’aime découvrir de nouvelles visions, celles de mes étudiants. Ce rôle me fait aussi me dépasser, m’encourage à être la bonne personne pour cet élève qui bloque sur un travail, à trouver une manière de lui expliquer sans forcément lui montrer des exemples pour ne pas l’influencer (même si je fais des gestes avec les mains chez moi seule à la maison !).

Quelles qualités sont essentielles selon vous pour exercer le métier de photographe ?
A mon sens, il faut d’abord être curieux, sensible et à l’écoute. Savoir voir l’invisible parfois. Un photographe doit savoir remarquer ce que les autres ne perçoivent pas, il doit être capable de saisir des détails parlants, qui racontent quelque chose, qui véhiculent de l’émotion. Enfin, en face d’un client, il faut être capable de s’adapter…sans perdre son identité.

Quelle expérience photographique vous a laissé un souvenir mémorable ?
Deux expériences marquantes me viennent à l’esprit. D’abord mon stage de 6 mois à Milan durant mon école de photographie en 1996. J’ai été assistante de plusieurs photographes connus et moins connus. J’ai eu la chance de côtoyer Gabriele Basilico, un architecte devenu photographe. J’ai travaillé dans un laboratoire noir et blanc où nous tirions les photographies de la semaine de la mode !
Ensuite, je pense à un mandat professionnel, une exposition sur un barrage. C’était en 2009, le ski-club du Grand Combin, à Bagnes fêtait ses 75 ans. Avec 2 autres photographes nous avons été mandatés pendant une année pour suivre les membres du ski-club au cours de diverses manifestations. Les images devaient ensuite permettre de réaliser deux expositions, l’une sur le barrage de Mauvoisin et l’autre dans les rues de Verbier pour immortaliser cette année (voir images ci-dessous).

 

Pouvez-vous nous montrer une de vos commandes client ou un travail personnel et le commenter en quelques lignes ?
Voici une commande d’un salon de coiffure qui participe chaque année à un concours, le Swiss Hairdressing Awards. Il s’agit d’une collaboration étroite entre le coiffeur et le photographe car l’appréciation du jury se base entièrement sur la photo présentée, tout se joue donc sur elle ! La prise de vue se fait en studio car la pluie ou le vent pourraient gâcher des heures de travail de coiffure. Il y a un travail important sur l’éclairage puisqu’il faut mettre en valeur la coupe de cheveux, lui donner du relief, mais aussi rendre grâce au modèle et flatter ses traits. Dans un cas comme celui-ci, je réalise la séance dans mon studio. Pour l’image de la femme avec une boule de cheveux sur la tête, voici quelques détails sur le placement des lumières : une source en haut de 3/4 à droite pour éclairer le dessus de la tête, une source en face pour adoucir et déboucher les ombres sur le visage tout en prenant garde de conserver les contrastes et volumes de celui-ci, et enfin une troisième source dirigée pour éclairer le fond. Un sacré travail donc et il y a en plus autant d’heures de prise de vue en studio que de temps passé en post-production !

Selon vous, quels sont les facteurs de réussite pour un élève qui entreprend une formation à distance ?
Je pense qu’il faut avoir de la volonté et être organisé pour ne pas se laisser happer par le quotidien et le laisser envahir ce projet de formation. Il faut aussi avoir une forte envie d’apprendre et pour progresser, cela demande aussi d’être prêt à recevoir des commentaires, des critiques (toujours constructives bien sûr) et donc savoir se remettre en question.