Comment réaliser un reportage photo sur un métier ou un artisan ?

Plusieurs travaux de notre formation “devenir professionnel”, ainsi qu’une partie du sujet de diplôme sont dédiés au reportage sur un métier ou un artisan. Le domaine du reportage est par ailleurs largement poursuivi par de nombreux photographes, bien après leur formation initiale. Raconter un métier artisanal et les diverses étapes qui conduisent au produit fini ne s’improvise pas. Il y a quelques étapes indispensables auxquelles réfléchir avant et pendant les prises de vues afin que le projet soit réussi. Voici quelques conseils pour aborder sereinement ce type d’exercice photographique !

De l’idée initiale à la 1ère rencontre avec l’artisan 

Commencez par choisir un métier qui vous intéresse, qui éveille votre curiosité. Les métiers artisanaux, agricoles ou d’art sont si nombreux que le choix est vaste : céramiste, relieur, fromager, ébéniste, fleuriste, costumière, peintre, vigneron, ferronnier. Une fois votre choix déterminé, documentez-vous sur le sujet, les spécificités du métier, son actualité. Grâce aux informations collectées, vous pourrez commencer à réfléchir à “l’angle” de votre reportage, c’est à dire  : quel point de vue vous voulez apporter ? Qu’avez-vous envie de raconter du métier ? Cette étape sera affinée lors de la rencontre avec votre artisan qui vous racontera son parcours, son quotidien, sa passion ou les difficultés propres à son activité.

Prenez contact avec quelques artisans qui exercent ce métier autour de chez vous, car il va bien falloir trouver celui qui sera le sujet de vos prises de vues ! Que ce soit au téléphone ou en passant à son atelier, mettez toutes les chances de votre côté pour créer un échange positif dès le départ : soyez enthousiaste, curieux, posez lui des questions. Prenez votre temps pour écouter cet artisan vous raconter son métier et découvrir son univers. Ces premiers contacts vous permettront de déceler l’artisan avec lequel le courant passe vraiment, celui qui vous donne envie de réaliser votre reportage.

Une fois votre artisan choisi, c’est le moment de lui expliquer clairement votre projet et de lui fournir des détails sur le déroulement du reportage : quel sera l’usage ultérieur des images, le nombre de séances à prévoir, leur durée approximative et à quelle date vous avez besoin de démarrer. Assurez-vous que ses disponibilités peuvent concorder rapidement avec les vôtres, afin que votre collaboration corresponde à vos impératifs : date de soutenance de diplôme, ou livraison du reportage à un tiers (si celui-ci a été commandé par un média par exemple).

Un artisan pensera d’abord que c’est son travail qui sera saisi en images et ne se doutera pas forcément que pour compléter votre reportage, vous aurez besoin de faire quelques portraits. Précisez-lui que certains seront pris sur le vif durant l’exécution de son travail, et que quelque-uns seront posés. La plupart des gens sont un peu mal à l’aise à cette idée mais seront d’accord pour jouer le jeu, d’autres peuvent cependant refuser catégoriquement et il vaut mieux le savoir avant de vous lancer (dans ce cas nous vous conseillons de changer d’artisan !).

Les portraits de l’artisan peuvent être posés ou pris sur le vif pendant son travail

Profitez-en pour lui demander si vous serez autorisé à tout photographier le jour J : les divers lieux de son activité, toutes les étapes de fabrication, ses réalisations en cours (les artisans travaillent parfois sur des projets confidentiels ou gardent secrètes certaines étapes de leur travail). Demandez également si des clients ou autres interlocuteurs seront présents lors des journées de reportage et s’il sera possible de les photographier aussi (il faudra aussi, bien sûr, demander directement leur autorisation à ces tiers lors des prises de vues). A ce stade et grâce à tous les points évoqués avec votre artisan, vous devez déterminer si votre projet est viable et ne comprend pas trop de contraintes. Est-ce qu’il vous impose certaines limites dont votre travail pourrait pâtir ? Si la réponse est oui, il est encore temps de changer d’interlocuteur !

Repérages et journée d’observation avant le reportage

Demandez ensuite à passer une journée d’observation avec cet artisan avant le jour du reportage. Ce sera l’occasion de tisser un lien plus étroit et qu’il s’habitue à votre présence, ce qui occasionnera moins de stress pour lui comme pour vous le jour des prises de vues. De plus, cela vous permettra aussi de voir comment sa journée type se déroule, comprendre sa manière de travailler, vous imprégner de son univers et ainsi, définir mentalement quelles étapes clés vous devrez saisir en images. Amenez votre boitier afin de profiter de cette journée pour faire des repérages des lieux, surtout d’un point de vue lumière et recul : certains ateliers sont sombres et exigus. Vous pourrez ce jour-là déterminer si vous aurez assez de recul, quels angles adopter, mais aussi savoir si du matériel complémentaire sera nécessaire (flash, trépied, boîte à lumière…).

Une fois cette journée passée, vous saurez plus finement quoi photographier, aurez fait quelques images test et serez capable de réaliser un “story-board” (écrit ou mental). En effet, votre reportage devra raconter une histoire, un métier et ses particularités, ne perdez pas de vue l’aspect narratif de votre projet. Prenez des notes sur un carnet à emporter le jour J si vous avez peur d’oublier certaines idées. Imprimez des autorisations de droit à l’image à apporter lors des séances photo et à faire signer à l’artisan ou aux personnes présentes susceptibles d’apparaître sur vos clichés.

Pensez absolument, la veille des prises de vues, à vérifier le bon fonctionnement de tout votre matériel (boitier, objectifs, flash, ordinateur, trépied). Un problème technique le jour du rendez-vous vous fera paniquer et risque de semer le doute chez votre artisan quant au bien-fondé de votre collaboration. Il vaut toujours mieux reporter un rendez-vous que faire mauvaise impression par manque de vigilance.

Des séances photo à la post-production

Arrivez à l’heure et avec le sourire le jour du rendez-vous ! Osez demander certaines choses lors des prises de vue : faire poser votre artisan à tel endroit pour des portraits ou déplacer un élément gênant pour réaliser une photo. Vos images doivent raconter un métier et mettre en valeur un savoir-faire, pour cela, pensez à apporter de la variété dans vos prises de vues. Alternez des plans larges, qui montrent l’atelier, la boutique et donnent des informations sur le contexte de travail, mais aussi des détails en plans rapprochés, sur les matériaux et outils utilisés, mais aussi les gestes artisanaux effectués lors de certaines étapes de fabrication (pensez à la présence des mains).

Tournez autour de votre sujet, cherchez des angles variés, alternez également entre format portrait et paysage afin d’avoir un large choix lors de la sélection finale des images. Privilégiez les portraits posés après quelques heures, lorsque votre modèle est déjà habitué à vous et détendu. Pour les images prises sur le vif, osez lui demander de refaire un geste que vous n’avez pas eu le temps de saisir, vous aussi vous êtes là pour faire votre travail, il ne faut pas avoir “peur de déranger”. Tout au long des prises de vues sachez alterner entre moments de silence pour le laisser se concentrer sur ses actions, et maintien d’un contact oral pour que le lien instauré ne s’évanouisse pas. Pour cela, posez-lui des questions à certaines étapes clés de son travail, afin qu’il vous explique ce qu’il fait ou discutez lors d’un moment de pause.

Des plans larges permettent de voir l’artisan dans son contexte de travail et apportent de précieuses informations

Des plans rapprochés sont tout aussi importants, ils donnent un aperçu des gestes artisanaux propres au métier

Une fois les prises de vues terminées, il faudra passer à “l’editing”, ou sélection de vos images. Cette étape est cruciale, assurez-vous que votre choix final forme un récit cohérent et clair. Ne vous laissez pas séduire par des images que vous trouvez jolies mais qui ne racontent rien, ne donnent pas d’informations ou ne sont pas chargées d’émotion. Remémorez-vous cette journée, le discours de l’artisan, le processus de fabrication et vérifiez que votre sélection correspond bien à tout cela, qu’elle forme un témoignage pertinent. Au besoin, montrez-les à un proche pour vous assurer qu’il comprend le récit, l’enchaînement des actions, le métier raconté. Vous ferez certainement quelques retouches en post-production, assurez-vous de conserver les mêmes corrections colorimétriques si vous en faites, afin d’harmoniser l’ensemble. Si vous procédez à quelques recadrages, ne les faites pas au hasard, assurez-vous de conserver les mêmes proportions, on parle ici de “ratio” (4:3 ou 3:2 pour les formats rectangulaires classiques, 1:1 pour du carré).

Les détails en gros plan capturent des étapes clés ou mettent en avant un sujet, de son son état brut au produit fini

Enfin, envoyez quelques images finales à l’artisan qui vous a accordé du temps, 3 ou 4 clichés lui feront plaisir et entretiendront le lien établi. C’est également un moyen de commencer à vous constituer un réseau, qui sait, un jour cet artisan ou un de ses confrères aura peut-être besoin de faire réaliser des photos et pensera alors à vous !