Philippe Pache : photographe professionnel et membre du jury Nicéphore

©Philippe Pache

Quel est votre parcours ?
J’aimais déjà la photographie avant de commencer à en faire moi-même. Mon père était abonné au magazine PHOTO et je dévorais des yeux cette revue, surtout les images noir et blanc qui me fascinaient. À l’âge de 15 ans, j’ai suivi une option photo au collège et j’ai tout de suite été captivé par la chambre noire, l’image qui apparaît lentement dans le révélateur. C’est peut-être un jeu de mot facile, mais ce fut vraiment pour moi une révélation ! À cette époque, je ne pensais pas en faire mon métier, j’envisageais plutôt de faire les Beaux-Arts, car je dessinais beaucoup.

Puis un jour, j’ai décidé que je ne voulais pas suivre d’études et ai tout arrêté avant même de passer mon bac. Je suis allé manger avec mes parents au restaurant, ce qui était rare, pour parler de mon avenir et m’entends encore leur dire : “Et bien, finalement, ce que je préfère, c’est faire de la photo”. Par chance, ils ont accepté mon choix, j’ai alors passé le concours de l’école de photographie de Vevey et j’y suis entré à 17 ans. A l’époque, le cursus durait 4 ans, avec une année de stage chez un photographe. Il était évident pour moi que je serai photographe indépendant, jonglant entre mandats et travaux personnels. La photographie personnelle a toujours été la grande priorité pour moi, mais j’aime être à la fois libre et avoir des mandats qui comportent forcément des contraintes. À mon sens, ce sont des vases communicants : la photographie professionnelle ouvre des portes pour les photos personnelles et vice-versa.

Pouvez-vous nous présenter un projet photo ou une commande client qui vous tient à cœur ?
Parmi mes mandats les plus importants, j’ai été le photographe officiel du Béjart Ballet Lausanne pendant près de 10 années et du Prix de Lausanne sur une plus longue durée encore (concours international pour jeunes danseurs, l’un des plus prestigieux au monde). La danse est un excellent exercice pour le photographe, qui fait travailler sa rapidité de vision et ses réflexes. Le moment “juste” est très court, une fraction de seconde avant ou après, la photo est bonne pour la poubelle, il faut donc savoir anticiper la plupart du temps.

©Philippe Pache

J’ai aussi collaboré pendant des années au magazine suisse romand l’Illustré, pour lequel j’ai fait essentiellement des portraits, souvent de célébrités, mais aussi des “anonymes” comme on le dit à tort. J’ai aussi collaboré au quotidien le Matin, aujourd’hui mort sous la forme papier, mais qui fut pendant des décennies le plus grand quotidien romand, du moins le plus lu, car c’est le journal que l’on retrouvait dans tous les bistrots de Suisse romande. Parmi les nombreuses personnalités dont j’ai tiré le portrait, il y a eu Stephan Eicher, Stan Wawrinka, Michel Blanc, Pierre Richard, Wim Wenders, et tant d’autres. Je citerais Jacques Higelin pour les plus sympathiques et coopérants, c’est un homme affable et simple. Il y eut aussi Nabilla, que j’ai trouvé charmante et adorable, ce qui me valût et me vaut encore la grimace des mes amis quand je vante ses qualités (mais c’était avant le fameux “Non mais allo quoi !???”). Parmi les plus pressés et impatients, je dirais Usain Bolt, dont j’ai tiré le portrait en 2 minutes et 58 secondes, je fis donc ma séance de portrait la plus courte…avec l’homme le plus rapide du monde !

©Philippe Pache

Parmi les mandats les plus importants et passionnants qui m’ont été confiés, il y a le Livre Souvenir Officiel de la Fête des Vignerons à Vevey, sur lequel j’ai travaillé en collaboration avec le photographe Marcel Imsand. Cet événement, qui célèbre les vignerons tâcherons, a lieu 5 fois par siècle avec un spectacle grandiose comportant plus de 5000 figurants, des gens de la région de Vevey et villages alentour. J’étais tellement excité par ce projet, qu’en moins de 3 semaines, j’ai fait 25 000 diapositives.

Quelle est votre actualité en ce moment ?
Je continue à travailler pour la presse, mais de manière beaucoup plus épisodique, je fais assez régulièrement des portraits pour des clients privés. Je continue à faire des images personnelles, en explorant les mêmes sujets de prédilection depuis mes débuts : les portraits surtout. Je suis attiré par les visages comme un aimant, dans le double sens du terme, mais aussi les nus, les paysages et des images d’ambiances. C’est surtout la lumière qui est mon sujet premier. Depuis quelques années, j’organise régulièrement des workshops, des stages d’un jour ou d’une semaine. Comme chaque année, en octobre à Santorin, j’anime un workshop sur le thème “La sensualité de la lumière”. Après plus de 40 ans de photographie, je prépare enfin un vrai livre monographique, aux Editions Infolio en Suisse, qui devrait sortir au printemps.

©Philippe Pache

En tant que membre du jury lors des soutenances, qu’attendez-vous d’un travail de diplôme qui vous est présenté par un étudiant ?
En tant que juré extérieur des examens finaux de l’École de photographie Nicéphore, mon premier critère est de sentir si les étudiants ont vraiment un regard et s’ils ont un réel besoin de faire des photographies. Jacques Brel disait : “le talent, c’est l’envie” !

En conclusion, je dirais que, bien qu’ayant été un photographe qui adorait faire des tirages dans sa chambre noire, j’ai vécu l’arrivée du numérique comme une joie. J’étais méfiant d’abord certes, puis totalement conquis. Je ne suis pas un nostalgique et je dis volontiers que le numérique m’a apporté une seconde jeunesse, car j’aime cette immédiateté, cette facilité, même si elle est parfois trompeuse. Quand on a connu les limites de la photographie argentique et ses côtés laborieux, on ne peut que se réjouir de ces progrès, d’autant que ce qui compte avant tout, c’est l’image obtenue. Je fais aussi énormément de photos avec mon iPhone d’ailleurs et comme l’a dit un jour Jacques-Henri Lartigue : “Je fais des photos pour calmer ma souffrance d’être émerveillé.”

Nous remercions vivement Philippe Pache d’avoir pris le temps de répondre à nos questions ! Vous pouvez retrouver son travail sur son site : www.philippepache.com